Même si elles se sont affranchies depuis longtemps de la tutelle britannique, les îles dites “anglaises” (de la Jamaïque à Trinidad) ont conservé de leur origine une prééminence en matière de rhum. Car les Anglo-Saxons ont développé, dès le 17ème siècle, l’industrie sucrière et rhumière, notamment à destination de la marine royale, bien avant les Français et les Espagnols.
Trinidad
Trinidad (Trinité en français), grande île en face du Venezuela, et flanquée de la petite Tobago, a d’abord été colonisée par les Espagnols, qui s’intéressaient certes à la canne à sucre, mais davantage au tabac et au cacao. Après la prise de possession par les Britanniques, ce sont des colons français qui, à partir de la fin du 18ème siècle, vont développer l’industrie sucrière. Celle-ci va continuer à se développer pendant tout le 19ème siècle et le début du 20ème siècle.
Mais la vraie mutation du rhum à Trinidad découle de l’arrivée du Dr Siegert, créateur de l’Angostura Bitters, au départ un médicament contre les fièvres et adopté ensuite comme amérisant par les barmen du monde entier. Entre les deux guerres, sa société se diversifie dans le rhum, et c’est au rhum de Trinidad qu’on doit la célèbre chanson des Andrew Sisters, “Rhum and Coca-Cola” apparue lors de la Seconde Guerre Mondiale, avec une finale prophétique : “Working for the Yankee dollaaar”. Car Angostura va développer une intense politique d’exportation de rhums légers, à destination notamment des Etats- Unis, donnant naissance à un empire qui a essaimé dans bien d’autres îles des Caraïbes.
Mais, à la différence de Bacardi, Angostura ne se limite pas au rhum léger international. A Trinidad, elle commercialise ainsi une trentaine de qualités différentes, et exporte aujourd’hui plusieurs déclinaisons de rhums vieux, comme le 1824 (12 ans d’âge), le 1919 (8 ans d’âge), le Butterfly Dark (7 ans) ou bien le Butterfly Reserva (blanc premium) appréciés de nombreux spécialistes. Trinidad comprenait encore une autre distillerie, Caroni, qui dépendait d’une sucrière appartenant à l’Etat, avec une gamme importante de rhums vieux distillés en continu et même en alambics à repasse.
Antigua
Cela fait au moins deux cents ans que l’on distille sur l’île d’Antigua, un “confetti”, juste au nord de la Guadeloupe. Ses rhums ont eu longtemps la réputation d’être à la fois légers et élégants. Ils étaient élaborés par
de minuscules distilleries, qui tenaient plus de la boutique artisanale que de véritables entreprises. En 1932, plusieurs de ces artisans décidèrent de s’unir pour créer une distillerie plus importante, et avec la modernisation opérée dans les années 50, les rhums d’Antigua ont gagné en puissance et en richesse aromatique.
C’est ce dont témoigne éloquemment English Harbour. Son nom provient d’une ancienne base navale britannique créée par l’amiral Nelson lui-même. Cet assemblage repose sur des stocks impressionnants de petits fûts (200 litres) de bourbon américain, dont les plus âgés ont 25 ans, ce qui reste exceptionnel pour le rhum. A noter enfin que le rhum une fois assemblé va rester une semaine dans de vastes foudres avant d’être filtré et embouteillé.
La Barbade
La Barbade est considérée par beaucoup comme la véritable Mecque du rhum, tant son implantation y est ancienne (dès le début du 17ème siècle). Dave Broom, dans son ouvrage Rum, dit même : “tout a commencé là. (…) La Barbade est l’endroit où les marchands anglais ont réalisé qu’ils pouvaient faire des millions avec le sucre”. Si aujourd’hui l’industrie sucrière est quasiment moribonde, l’île n’a jamais cessé de produire des rhums de qualité.
Elle fait même figure d’exception puisque ses distillateurs n’ont jamais cédé complètement aux sirènes de l’alambic à colonne. Mount Gay, WIRD (West Indies Rum Distillery) et Foursquare (Doorly’s) utilisent toujours des alambics à repasse aux côtés d’alambics à colonne. Ces distilleries sont techniquement très évoluées notamment en matière de fermentation, une des clés de la richesse aromatique des rhums de la Barbade. Elles produisent une grande variété de rhum qui leur permet, en plus de produire leur marque, de fournir des marques de négoce qui sont pour certaines plus que centenaires comme Cockspur produit par WIRD.
Source : DUGAS Paris – 4, avenue des Terroirs de France – 75012 PARIS – Le Guide du Rhum 2014 – L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération
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